Quand l’ordinaire devient extraordinaire… Ou l’inverse.
Chaque matin le cyclonomade doit ranger ses sacoches, plier sa tente. Geste après geste, l’habitude permet de ranger son matériel en un temps record, toujours à la même place, toujours les mêmes choses. Un nomade n’achète pas d’inutile, pas de plaisir matériel, pas de nouvelles choses. Sinon chaque objet est un poids qui l’oblige à ralentir et peut mener à un arrêt définitif. Et un nomade ne peut pas prendre le risque de s’arrêter. Pour les habits c’est la même chose, il porte et lave toujours les mêmes. Un peu usés peut-être, mais il les aime malgré les trous. Dans ses moments de solitude il y voit même de la poésie dans ces usures, telle une carte de ses propres aventures. Pas besoins de souvenirs. La vie nomade s’est gravée à tout jamais dans son matériel. À chaque griffure son histoire.
Les repas se ressemblent souvent, sauf peut-être s’il se permet le luxe d’acheter de la nourriture qui change. Les sacoches s’alourdissent alors encore un peu plus. Parfois quelques saveurs locales viennent agrémenter son mauvais café en poudre, son pain écrasé et ses alimentés presque périmés. Régulièrement il rêve à sa madeleine de Proust, un doux souvenir nostalgique d’un autre temps. Mais il n’est pas ici pour se morfondre de nostalgie. Il est ici pour avancer vers l’adrénaline de la route qui ne s’arrête jamais.
Alors après chaque rituel du matin, le nomade prépare son vélo avec habileté, l’enfourche négligemment, puis il part. Il avance. Pédale et pédale encore. Pédale jusqu’à ce que ce geste là n’existe plus et devienne abstrait. Un acte parmi d’autre, il pédale comme il respire, comme n’importe quel être humain avance dans la vie. Il pense aussi. Il pense beaucoup et un peu à tout. Régulièrement il se demande ce qu’il fait là. Et s’il n’a pas toujours la réponse il continue sachant cependant que c’est ici qu’il doit être. Alors il continue de pédaler pour avancer.
Les paysages défilent et le nomade les regarde, les admire, les capture par des mots, des photos, des dessins où des vidéos. Il se pose parfois pour le contempler plus longtemps, puis il repart, avec ce nouveau souvenir imprimé au fond de son esprit et de ses carnets de voyage. Cet instant précis vivra à jamais à travers la mémoire du cyclonomade.
Au moment venu, il cherche son prochain point d’arrêt, son havre de paix pour la nuit. Au calme et au frais, à côté d’une source d’eau ce serait parfait. Le nomade se lave avant tout quand il le peut, quand il y a assez d’eau pour qu’elle ne soit pas vitale. Parfois ce n’est pas possible. Cependant la douche – qu’elle soit moderne, une rivière, un tuyau d’arrosage, une goutte d’eau sur un gant – lui procure à chaque fois un moment de bonheur inégalable et impossible à imaginer pour quiconque à la chance de se laver chaque soir.
À chaque virage le nomade impressionne, intrigue, attire. Les gens qu’il croise sont curieux de cet homme sur roues et sans maison. Les autres travaillent fort pour leur maison, pourquoi cet étranger se satisfait de ne pas en avoir. De cette curiosité des autres les rencontres se font. Des amitiés se lient presque tous les jours. Et c’est autour de verres d’alcool, de repas locaux, de ces courts moments partagés que la vie nomade prend tout son sens.
Voici le quotidien nomade. Un moment de vie jusqu’à ce qu’il s’arrête. L’homme est fait comme cela, il a construit des racines. Mais le nomade repart toujours. Il ne peut pas prendre le risque de s’arrêter…
Je vient de lire ma vie, extraordinairement et mes yeux glissait sur les mots comme si je connaissait déjà la suite.
Ben.
Quel est ce livre ?