Quand j’ai atterris à Mexico City, le 22 février dernier, un vertige s’est emparé de moi face à l’ampleur du trajet que j’avais à parcourir. Soudain, j’ai eu l’impression d’avoir visé trop haut. Moi qui était si sûre de moi à Montréal. Ce vertige, c’est le fameux vertige du début de voyage, celui qui se nourrit de nos peurs et qui font baisser les bras de nombreux voyageurs. Alors tandis que je montais mon vélo dans l’aéroport et que j’envisageais la Véloroute des monarques une étape à la fois, une question me taraudait : Vais-je arriver au bout du voyage ?
Et enfin, le Québec…
Je ne pourrai pas dire que je ne m’y attendais pas. Je l’attendais plus que tout depuis quelques jours. Depuis quatre mois peut-être ? Et plus le moment approchait, plus je fixais ma carte pour y déceler les indices de mon arrivée. Parce qu’au bout de ma carte de l’Ontario, il y avait un signe discret, presque anodin : le logo de la Route Verte. Soit le début du Québec.
Je ne m’étais pas réellement fixée de ligne d’arrivée pour ce voyage. Les papillons n’en ont pas eux non plus. Mais j’avais cet objectif un peu vague de rentrer au Québec. Alors cette frontière là, aussi anodine soit-elle, sera ma ligne d’arrivée imaginaire. Aussi symbolique que discrète.
Je l’attend avec impatience, espérant croiser quelque chose qui sera à la hauteur de mon symbole.
Puis je l’aperçois, au bout d’un ligne droite pas très jolie, sous un ciel gris. Le panneau vert aborde négligemment le mot « Québec », avec une fleur de lys blanche.
Le panneau n’est pas beau. Je suis déçue. Je suis heureuse.
Le bout du voyage
Après presque 4 mois sur la route, principalement en solitaire, je touche au but.
Après le vertige du début où les 5000 km m’ont parus énormes. Après la visite des sanctuaires, des rencontres qui m’ont profondément touchées, d’autres qui m’ont donné le cafard. Après des moments de joie intense comme cette fameuse journée dans le Hill Country. Après avoir réussi à me tranquilliser assez pour dormir sereinement en camping sauvage en solitaire. Après les frontières, le désert, les immenses champs à perte de vue, les grands lacs, le Saint-Laurent.
Après tout ça je suis submergée d’émotions face à ce petit panneaux vert qui m’indique négligemment que je suis au Québec. Heureuse ? Satisfaite ? Accomplie ? Désemparée ? Troublée ? Je ne sais pas trop en réalité.
J’arrive au bout de ce voyage qui pourtant ne sera jamais terminé. Pas tant que les papillons monarques continueront de migrer. Pas tant qu’il faudra continuer à se battre pour une société plus écologique.
Alors si j’arrive au bout du voyage, si maintenant mon discours va changer pour une voix au passé et dire maintenant « Je l’ai fait »; rien ne change pourtant et tout est différent. Heureuse de ce voyage qui m’a permis d’en apprendre plus sur le monde, les gens et la planète.
Rentrer chez soi
Je n’arrête pas de me répéter que je rentre enfin chez moi. À chaque fois mon esprit cille pourtant. C’est où chez moi ?
Durant ces quatre derniers mois, mon chez moi était ma tente, un hôtel, la maison de quelqu’un qui m’accueillait bras ouverts, un camping, une forêt. Mais chez moi c’est aussi la France qui m’émeut à chaque fois que je rentre. Et aussi l’Europe, que je connais, dont je me suis imprégnée, et qui est maintenant la sève de mes racines. Et chez moi maintenant c’est aussi le Québec. Mon appartement un peu miteux au coeur du quartier de Hochelaga que j’adore. Mais aussi mon nouvel appartement au nord de la ville que je vais découvrir dans quelques jours.
Alors face à cette idée de « chez moi » qui ne cesse de tourner dans ma tête me questionne aussi beaucoup.
C’est où chez moi ?
Bref, après 4 mois d’itinérance, je dois maintenant reprendre ma vie normale, ma vie d’avant.
Ça sonne bizarre non ?
Encore bravo La Sacoche te soutient sans réserve! Bises du vieux cyclo admiratif.
Un très grand merci pour ton soutien, l’article dans la sacoche, les blagues par courriel et ta bonne humeur 🙂