Le 1er novembre est l’un des fêtes les plus importante au Mexique. Pour l’occasion Elsa et Hugo, qui ont traversé les Amériques en van dans leur totalité, partagent avec nous leur expérience de fête des morts à Oaxaca.
Accrochez-vous !
No Halloween! Nosotros tambien tenemos nuestra cultura!
« Ce n’est pas Halloween ! Nous aussi nous avons notre culture ! » C’est avec ce slogan affiché sur les murs délavés des villes Mexicaines que les habitants s’apprêtent à fêter leur morts.
La Catrina, aussi belle que décharnée, orne avec une élégance macabre les devantures de magasins, places publiques et cimetières. Elle est entourée de tout un arsenal de crânes en sucre fluorescents, d’effroyables squelettes blancs à l’allure menaçante et de centaines de fleurs aux tons ocres qui, tamisés par la lumière chancelante des bougies, semblent annoncer la fin du monde ! Et tant qu’à profiter des dernières heures qu’il reste à vivre, autant que ce soit en musique ! C’est ainsi que les notes d’une harmonie rythmée et enjouée s’épandent sur les places publiques, parcourent en sillons les rues étroites des villes en fête jusqu’au cimetière où, insolentes et pernicieuses, elles s’infiltrent dans les tombes afin de réveiller les morts… Joueuses, elles viennent caresser les âmes de ces êtres qui, le temps d’une soirée, ressuscitent dans le coeur de ceux qui les ont aimés.
Alors s’ensuit une farandole de plaisirs, de rire, et de lumière. Les gens, regroupés en famille et amis autour des tombes chéries, boivent et mangent à la santé de l’âme défunte en partageant avec elle son met préféré. Maladroitement assis sur des chaises de fortune ou bien directement sur la tombe, les vivants et les morts s’entremêlent dans les plaisirs de la vie, confondant la mort elle-même qui, s’il n’était des squelettes et des crânes éparpillés tels des caricatures dans le cimetière, tomberait dans l’oubli. Les frontières n’existent plus. Vivants et morts; morts et vivants… Qu’importe ! Les rires ont remplacé les larmes et seul compte le plaisir du souvenir, celui qui rassemble; celui qui réconforte; celui qui guérit les plaies encore béantes. Il y a deux soirées passées ainsi, l’une pour les enfants et l’autre pour les adultes disparus du paysage quotidien. Les premiers ont droit à des sucreries et toutes sortes d’offrandes plus colorées et douces les unes que les autres tandis que les seconds, habitués à d’autres formes de délices, ont droit au verre de tequila ou d’un autre spiritueux consommé avec appétence !
La boulimie du plaisir n’est même pas cachée! Et pourquoi se modérer? La rue est en fête! La ville est en fête! La quasi totalité du pays est en fête! Politiciens, policiers, militaires… Chacun a ses morts à célébrer, les frontières sociales se dissolvent dans les vapeurs des réjouissances et jamais il n’aurait été donné de contempler la mort ainsi rassembler les vivants dans ce qu’ils ont de plus commun… la vie! Et c’est alors que le cimetière se transforme en jardin d’éden où les couleurs vives des décorations et des offrandes s’unissant à la tendre lumière des bougies, s’en vont retrouver les rires enlacés dans la musique pour former une extraordinaire farandole de joie et d’allégresse qui renverse les interdits! Alors il faut suivre le rythme, danser avec les souvenirs, et tourner, tourner et tourner encore pour retarder demain, pour ne pas le voir se lever avec le soleil et traîner avec lui, tel un boulet, le retour des frontières entre les mondes, immuables et distinctes comme de la roche… Ces frontières si solides qui obligeront les mondes à s’en retourner chacun de leur côté, qui dans sa tombe, qui dans sa routine, la larme à l’oeil jusqu’au prochain Dìa de los muertos…
El dia de los muertos
Certainement, la fête des morts est un incontournable de la culture mexicaine qui mêle dans une incroyable richesse, les coutumes païennes des peuples indigènes aux traditions chrétiennes coloniales.
Il en résulte un monde culturel extrêmement vaste et diversifié qui, tel un voyage, prend aux tripes et comble les sens.
“El Dìa de los muertos” en est un exemple généreux qui ne s’offre rien de mieux que la somptueuse ville de Oaxaca pour rayonner de tous ses feux. Et, si les citrouilles d’Halloween ont un je-ne-sais-quoi d’exotique, la Catrina et son charme funèbre vous ensorcelleront, sans aucun doute!
Récit : Elsa Ramos-Gicquel
Photos : Road Triiippp
0 commentaires