Dernière frontière. Dernier pays. Dernières semaines. Parcourir le sud de l’ Ontario a vélo m’a guidé tout au long des berges des grands lacs et du fleuve St-Laurent, en passant par les chutes du Niagara et les Mille-Îles. La Véloroute des Monarques n’est pas terminée mais les Grands Lacs résonnent avec un goût de chez moi, de maison et de repos.
Pelee Island & Pointe Pelée: tout au sud du Canada
Sans le savoir avant d’y aller, Pointe Pelée et Pelee Island sont les bouts de terre des plus au sud du Canada. Les habitants revendiquent ainsi la douceur de leur climat, alliée à la présence de l’immense lac Erie.
L’île Pelée est petit bout de terre bordé de plages. Si petite qu’utiliser une voiture est même de trop. Si petite que c’est trop facile d’en faire le tour à vélo. Et si petite que l’on y trouve presque tout ce que l’on veut : vignoble à visiter, boulangerie, camping, hôtels, etc.
J’y suis restée 2 jours et j’ai beaucoup apprécié ce séjour en tout en douceur avec des saveurs de bout du monde et d’isolement. Le lieu était parfait pour mes dernières heures en solitaire. (Sauf qu’il n’y a pas de wifi et que j’ai pris du retard dans la rédaction du blog…).
Car c’est sur cette petite île du Lac Erie que j’ai retrouvé mon voyageur en vélo couché. Bonheur et réadaptation. Désormais en voyage à deux, je dois à nouveau réajuster mon rythme de voyage.
Une fois sur le continent, on rejoint rapidement le parc de la Pointe Pelée. Je souhaitais absolument y aller, car à chaque automne les papillons monarques se rassemblent ici. Ils attendent les vents favorables avant de partir à l’assault de leur premier gros défi durant cette migration : traverser une étendue d’eau d’environ 100 kilomètres. Et si le parc n’est pas vraiment sur leur route au printemps, ce sont les oiseaux migratoires qui viennent décorer de mille couleurs et chants cette péninsule extraordinaire.
En visitant le centre d’accueil du parc, un petit musée retrace l’histoire du lieu. Depuis des années la péninsule était une aire de vacances familiale surchargée de voitures. Plus de 300 maisons privées étaient bâties et le lieu se dégradait rapidement. Jusqu’à un moment charnier où les dirigeants du parc on du choisir entre une politique drastique de préservation du lieu et la vente à un promoteur immobilier qui souhaitait y bâtir des centaines de maisons.
Grâce au choix politique, et contre une majorité de citoyens, les maisons ont été détruites, le transport régulé, et la nature protégée. Et le parc national de la Pointe-Pelée fait dès à présent parti de mes plus beaux souvenirs dans l’est du Canada.
ATTENTION – Pas de camping au sein du parc, seulement des tentes prêt-à-camper.
La rivière Niagara à vélo : bien plus que des chutes
Telle une chasse au trésor, il est facile de traverser le sud de l’Ontario à vélo en suivant les panneaux du Waterfont Trail. Il suffit de prendre le temps de repérer les indices le long des routes. On peut alors partir à la découverte de la région sans guide. Cependant une carte (papier ou numérique) est recommandée pour vous seconder en cas de panneau manqué. Me voilà rendue comme une enfant qui poursuit avec avidité les chasses au trésor manigancées par son père. Chaque nouveau panneau nous offre une nouvelle route. Chaque nouvelle route me guide vers une destination clé qui me rempli d’impatience : chez moi.
Alors peu importe si la route n’est pas toujours extraordinaire ; je m’amuse comme une folle. Et puis l’Ontario à vélo à le don de nous surprendre avec un panorama inattendu, un monarque de passage, une piste cyclable au détour d’une voie rapide, ou un camping sauvage des plus beaux face aux grands lacs.
À partir de Port Colborne, les cyclotouristes sont invités à rejoindre une piste cyclable bâtie sur une ancienne voie de chemin de fer. Enfin on est hors route, et la piste est bordée d’asclépiades. Malgré mes recherches non intensives, je n’ai cependant pas vu une chenille de monarque. Ni, ne serait-ce qu’une feuille croquée…
Un peu déçue, mais la piste cyclable nous guide jusqu’à Fort Erie, avec un panorama sur la skyline de la ville américaine de Buffalow. Dorénavant on a rejoint la Niagara River qui nous nous permet de ne pas perdre le nord pour rejoindre le lac Ontario à vélo sur le sentier « Niagara Recreation Trail ».
Qui dit Niagara pense immédiatement aux chutes.
J’étais déjà venue l’année dernière lors d’une escapade en voiture. Virée express en 3 jours pour voir Toronto et les Chutes. Un séjour qui m’a laissé dubitative quant à la pertinence d’aller voir les chutes. (je le sais pourtant que je ne suis pas faite pour voyager sans vélo)
En fait, c’est qu’il y a tellement d’autres choses à voir aussi : des vignobles, des producteurs maraichers, des musées historiques à visiter. Sans oublier le soleil, la rivière, les pentes douces, les fraises fraiches, le jardin botanique, la maison Laura Secord, etc. En plus, quand on arrive aux chutes par le sud, il y a même des passages « secrets » réservés aux cyclistes qui donnent un goût d’exclusivité pour aller voir ce lieu tant visité.
Si les chutes du Niagara sont spectaculaires, ce sont surtout leur histoire et leur environnement qui les rendent fascinantes. Ici encore une association citoyenne fût à la base de la préservation du site. Auparavant privatisé et avec une mauvaise gestion de l’afflux touristique, l’association a permis la mise en place d’un parc national. Et ce n’est pas de trop quand on peut voir ce qu’est devenu le site aujourd’hui : centrales hydro-électriques, villes casino, sorties en bateaux au pied des cascades, et plus de 12 millions de touristes par année.
Et si vous n’êtes pas sûrs de vous y arrêter à cause de la foule, dites-vous qu’un autre avantage de suivre les monarques, c’est qu’ils passent par ici avant la haute saison !
D’ailleurs le long du Niagara Recreation Trail, vous croiserez plusieurs sites investis dans la protection de la biodiversité et des monarques : l’insectarium de Niagara, des plantations d’asclépiades, panneaux d’information au pieds des lignes électriques, waystation (aires de repos spéciales monarques montées par des villes ou des citoyens).
Une promenade qui permet aussi de savourer les chutes autrement, et avec l’ensemble de la rivière Niagara.
Et ça, je vous le jure, ça change tout.
Le long du lac Ontario à vélo
Au bout de la rivière Niagara, il y a la ville de Niagara on the Lake. Et puis il y a le lac aussi. Encore. Plus petit que le lac Erie cependant. Car depuis la rive sud, on peut apercevoir les hautes tours de Toronto. L’immense ville du Canada. Peut-être une des plus bétonnée aussi ? J’ai encore d’étranges souvenirs de l’autoroute aérienne Gardiner qui slalome entre les hauts immeubles du centre-ville…
Arriver dans la banlieue torontoise d’ailleurs n’est pas si facile. C’est un des rares endroits où l’on a parfois perdu la piste du Waterfront Trail. On arrivait alors sur des voies rapides sans bas-coté avant de retrouver les rues tranquilles, et voies cyclables le long du lac Ontario à vélo.
Bref, ça n’a pas toujours été simple jusqu’à noter arrivée du parc de la Confédération. Ici on retrouve des voies cyclables, de la verdure, et on a une piste rien qu’à nous pour rentrer dans Burlington et passer ainsi sur une petite langue de terre à travers le lac.
Après une belle soirée dans le centre-ville de Burlington, on choisi de prendre le train pour nous éviter Toronto et sa banlieue. Le choix n’était pas facile car on se doutait que le long du Waterfront ce en serait pas si difficile ; mais à dire vrai, aucun de nous deux n’avait réellement envie de s’engouffrer dans le vrombissement d’une jungle urbaine. Et pour cela, le train urbain Go Transit est parfait. Pour la modique somme de 15 $CAD nous avons traversé les 100 km de banlieue jusqu’à Oshawa. Aucun surplus pour les vélos qui sont acceptés en dehors des heures de pointes. Et pas besoin de démonter quelconque partie !
Un vrai régal de commuting 🙂
Mais c’est après que tout se gâte. Un peu perdus tout de même parmi les arrêts, on descend un peu au hasard, et on atterris au coeur d’un quartier industriel sans la moindre place pour y circuler à vélo. Et lorsque l’on rejoint le Waterfront Trail, on suit « Energy boulevard » et ses centrales nucléaires…
Notre bonhomme de chemin se poursuit ainsi, entre paysages paisibles, rencontres improbables et moments de stress qui nous font oublier la plénitude ressentie tandis que nous étions encore au parc de la Pointe Pelée et ses paysages de bout du monde.
Notre escapade le long du lac Ontario à vélo se termine dans le comté du Prince-Édouard. Une grosse péninsule regorgeant de vignes et producteurs agricoles. Il fait bon si promener à vélo afin de profiter des journées toutes en douceurs et des saveurs locales. Et puis c’est un moyen de transport idéal si vous souhaitez faire le tour des dégustations de vin.
Cependant, ne faites pas comme nous et faites un détour jusqu’au parc Sandbanks. Il parait que ces plages de sables valent vraiment la peine d’être visitées.
Exploration en canot aux Thousand Island
Kingston vaut le détour, l’arrêt et l’exploration. Parmi les plus vieilles villes du Canada, au croisement du lac, du fleuve et du canal Rideau. Et puis il y a le début des Milles-Îles… En réalité c’est plus de 1800 îles qui ornent les eaux limpides de la source du Saint-Laurent. les îles sont souvent habitées, arborées de maisons toutes différentes, allant du chalet au château.
Alors pour deux jours seulement, nous avons « troqué » nos vélos contre un canots, puis on est parti explorer cet univers unique, entre terre et mer. Une belle parenthèse durant ce voyage où ce sont surtout mes jambes qui m’ont permis d’avancer.
Dans ce nouvel élément je me suis dépassée autrement. J’ai profité du silence, des matinées humides à regarder le lever de soleil se refléter sur l’eau. Une pause toujours aussi douce mais qui se vit plus qu’elle ne se raconte. Ce n’est pas facile de décrire un bien être fort, un esprit vide de tout car il profite seulement du présent. J’ai l’impression de terminer ce voyage à travers l’Ontario à vélo dans une grande sérénité, tandis que dans deux jours seulement je vais arriver au Québec…
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