Après la Nouvelle-Orléans je devais aller au Nord. En fait, plus précisément je pensais initialement retourner sur mes pas jusqu’à Baton-Rouge pour rejoindre la route Adventure Cycling « the great river south ». Puis j’ai changé d’avis sur un coup de tête et mis le cap à l’est.
Changement de plan
Continuer vers l’est encore un peu était plein de promesses. Tout d’abord rester un peu sur la côte et profiter du golfe du Mexique. Ensuite j’irai à Athènes en Géorgie pour rencontrer une spécialiste des papillons monarques. Et en fin, je m’offrirai un court passage dans les Appalaches avant de rejoindre les grands lacs.
Ça c’était le nouveau plan.
Alors je suis partie plus tôt de la Nouvelle-Orléans et je suis partie vers l’est, à travers les bayou et du bord de mer. Mais pour dire vrai, je ne savais pas du tout ce qui m’attendait.
Le golfe du Mexique : pourquoi avoir de jolies plages quand on a du pétrole ?
La route à travers les terres du sud était magnifique. très chaude aussi. En fait je crois que le soleil a bien trop rarement quitté ma route. Enfin seule, je pédale fort. Je donne de la puissance dans mes coups de pédale. Non pas que je sois pressée, mais j’ai le goût d’être efficace, de découvrir ce que je vaux, et aussi d’éviter le soleil. Alors j’essaie de partir tôt et de ne pédaler qu’en matinée. Et c’est dans un élan de sueur que j’ai découvert le golfe du Mexique.
La situation était plutôt comique en fait, car malgré les cartes, je ne m’y attendais pas. Je ne m’attendais pas à ce que ce soir si beau, si lumineux. Je ne m’attendais pas à voir la route en bord de mer. les routes sont souvent entourées de maisons qui sont au bord de la mer. Et surtout je ne m’attendais pas à être émue.
Chaque océan ou mer se présente au cycliste tel une barrière. Tel un accomplissement aussi. Et puis c’est beau aussi cet horizon sans limite. Mon regard s’y perd. Et dire que de l’autre côté il y a le Mexique. Il y a quelques années seulement je foulais les plages du golf du côté mexicain. On dirait bien qu’un long chemin a été parcouru depuis n’est-ce pas ?
À l’époque j’étais terrorisé à l’idée de voyager seule. Un peu perdue après ma rupture amoureuse en voyage, mes projets s’étaient alors envolés. Je n’en ai pas beaucoup parlé à l’époque pour préserver la vie privée de chacun, cependant cette situation m’avait beaucoup affectée. J’ai du recommencer à zéro. Tout recommencer.
Alors aujourd’hui, face à cet océan, je passe en revue rapide ces quatre dernières années. Quelles belles années !
En suivant le golf, toujours vers l’est, il y a la baie de Mobile. Pour y accéder je suis passée à travers une mince péninsule de terre, puis une île. Enfin j’ai pris un ferry pour rejoindre le continent et traverser le baie. Sur ce bateau j’ai rencontré deux cyclistes du dimanche forts intrigués par mon attirail. On a bien discuté le temps de la traversée. Du coin de l’oeil je fixais les plateformes pétrolières et les immenses bateaux lourdement chargés.
« Pourquoi avoir de jolies plages quand on a du pétrole ? »
Plus tard, mon hôte Warmshowers, un mécanicien vélo philosophe, impliqué dans la lutte environnementale, m’apprend que cette baie est unique au monde. Elle est d’ailleurs surnommée « the america’s Amazon ». La mangrove est très ancienne, les oiseaux par milliers, et il y a ici plus de variétés de tortues que n’importe où sur la planète.
Malheureusement il y a aussi du pétrole… Alors à quoi bon offrir une halte migratoire à toute la faune nord américaine quand on peut avoir du pétrole ?
Objectif Athens en Géorgie
Tout au long de ce voyage je consulte le site Monarch Watch pour rester au courant de la migration des papillons monarques. Je suis littéralement dans le sud des États-Unis à vélo, et les premiers monarques sont déjà arrivés dans la région d’Atlanta. C’est donc mon nouvel objectif. Je veux y être et je veux y être vite pour tenter de retrouver la trace des papillons.
Afin de gagner un peu de temps je fais un bout de route en covoiturage avec Philip, rencontré sur le ferry de la Baie de Mobile. Je suis un peu déçue de couper court à mon aventure mais aussi pressée de retrouver les monarques.
Je descend dans la ville de Auburn, à quelques pas (une centaine de kilomètres) du Callaway Garden, où je rencontre le directeur de l’insectarium pour lui parler de mon projet.
Bienvenue en Géorgie.
En fait, la Géorgie m’a beaucoup plu car j’y ai fais plein de belles rencontres. Il faut croire que voyager à vélo attire certaines personnes, car je n’ai rencontré que des personnes impliquées dans l’écologie.
Notamment Patricia, qui m’a salué du bord de la route, le poing tendu et en criant « Girl Power ». Elle m’a finalement invité chez elle et j’ai réalisé une entrevue vidéo avec cette femme exceptionnelle qui perçoit son séjour en Géorgie comme une mission pour parler avec les conservateurs de la région. Parmi mes plus beaux moments 🙂
En fait, le seul hic en Géorgie, et aux États-Unis plus largement, c’est le prix exorbitant des State parks.
Et puis finalement il y a eu Athens qui n’a pas tenu ses promesses. La ville est très chouette mais je n’ai pas pu rencontrer LA personne pour qui j’avais fais ce détour. Heureusement que la route a été pleine d’autres rencontres extraordinaires.
Un tour dans les Appalaches
Comptée parmi les plus belles routes de l’Est Américain, la Blueridge parkway m’attirait le regard, mais n’était pas sur ma route. Je me suis tout de même offert 2 jours de vacances dans les Appalaches, un séjour loin des monarques, mais surtout loin du téléphone, des plaines et du soleil brûlant. Moi qui adore les montagnes (mais pas les montées), cela m’a fait un bien fou !
Tout d’abord je me suis surprise à grimper avec une étonnante facilité. Les pentes ne sont pas raides certes, mais me voilà devenue plus qu’endurante, Et je vous avoue que la gamine en moi qui passait sont temps à lire sur des canapés est finalement pas mal fière d’elle !
Ensuite il y a la fraicheur de l’air, la pluie qui me surprend puisque je ne l’avais pas cotoyé depuis des mois (ah tiens, ça existe encore ?), et puis la vue. Les vues. Des panoramas magnifiques tout au long de la route. Il y a aussi le Sentier International des Appalaches qui m’invite à aller me promener dans les bois, mais aussi qui me connecte directement au Québec. Je suis émue car je me rend compte que mon voyage avance bien, et que bientôt je passerai alors la frontière du Canada.
Dans les Appalaches il y a aussi le calme. Pas d’autoroute, ou de bruit de fond de trafic ; pas de train qui résonne de près ou de loin. Non, ici ce sont les chants des oiseaux qui coordonne la musique.
Je suis bien.
Puis il y a la descente. La route est bien étroite, sinueuse, sans accotement, avec un trafic incessant qui roule à toute vitesse. Toujours aussi sereine je lève le pouce et Tim s’arrête presque de suite. Durant le trajet j’ai dormi, et lui n’a cessé de répéter qu’il venait peut-être de me sauver la vie tellement cette route était dangereuse. On croise d’ailleurs un cycliste qui semble avoir quelques difficultés. Je suis contente d’être où je suis.
Un peu plus tard dans la soirée, Tim m’envoie un message pour me remercier d’avoir croisé sa route. Le simple fait de lui raconter mon histoire lui a fait prendre conscience que l’on pouvait être acteur de sa vie et la choisir.
Dans les profondeurs du Kentucky
La frontière du Kentucky est nette. J’ai presque eu l’impression de rentrer dans un nouveau pays. Les villes sont désertes, des panneaux d’appel à la religion sont disposés dans presque tous les jardins des particuliers. Les maisons sont pauvres et la route étroite.
Un malaise s’empare de moi que la pluie ne fait qu’empirer.
Les paysages sont beaux mais tout est difficile. Aucune main ne me répond quand je salue les passants, aucun sourire ne s’affiche lorsque je m’arrête en pleine montée pour laisser passer les voitures, et la distance de sécurité semble se réduire à chaque fois que quelqu’un me dépasse. Et lorsque je lève le pouce, je n’ai le droit qu’à des yeux ronds plein de peur qui me donnent vraiment le sentiment de ne pas être à ma place ici.
Alors, trempée jusqu’aux os, avec des flaques dans les chaussures, je m’offre le luxe d’un hôtel et décide de prendre le bus. Je me sens vraiment mal ici, et la route est bien trop dangereuse pour continuer coute que coute.
À la station d’autobus Greyhound, le vendeur me propose de me vendre 2 billets (un pour moi et un pour mon vélo), et de voir si cela fonctionne. Mais bon, ce n’est vraiment pas sure. À cran je pars en pleurant. Un cowboy me rattrape et me conseille d’aller prier. Une dame vient se mêler à la conversation et ne comprend pas mon inquiétude en me disant qu’au Kentucky ce sont les gens les plus gentils des États-Unis, que je trouverai toujours quelqu’un pour m’aider.
Puis ils s’en vont…
De mon côté j’appelle un warmshowers. Ils viennent me chercher immédiatement, m’offrent un havre de paix dans le maison et me conduisent en dehors du Kentucky le lendemain.
Arrivée à Cincinnati (Ohio), je loge chez un Warmshowers qui à voyagé à travers les États-Unis, et pour lui aussi son passage le plus difficile fût au Kentucky…
bravo pour ce voyage audacieux!