Pour cette grande traversée des États-Unis à vélo d’est en ouest, j’appréhendais surtout la douane. Après plus d’une heure d’attente et d’interrogatoire, le douanier nous accorde le droit d’entrer dans le pays en regardant nos vélos d’un drôle d’air.
Entrer aux États-Unis à vélo
Ceux qui roulent à vélo doivent bien connaitre cette sensation, savoir que tout le monde vous prend pour un fou. De toute façon les gens que l’on croise nous le disent souvent. Quand à ceux qui ne le disent pas, ils nous regardent avec un air critique. Une chose est sûre, à vélo et avec de grosses sacoches, on n’est plus comme tout le monde. Et encore moins aux États-Unis.
Ici tout le monde est en voiture ou en moto. Mais il est très important d’avoir un moteur ; et pas un petit s’il vous plait. Il faut aussi qu’il soit emballé dans une grosse carrosserie. Parfois on croise des voitures à taille européenne. Mais à côté des pick-up elles apparaissent petites et faibles. Ici les conducteurs ne semblent se décaler qu’à regrets pour ne pas nous rentrer dedans. Certains nous klaxonnent, d’autres font exprès de nous envoyer une bonne dose de gaz dans la figure lorsqu’ils nous doublent. On a même eu le droit à un doigt d’honneur. Et pourtant aux États-Unis c’est aussi un semblant de paradis pour cyclistes. Paysages variés et spectaculaires, on y trouve de larges bas côtés qui permettent au cycliste de trouver une place sur la route. Puis il y a l’association Adventure Cycling qui fait un merveilleux travail pour développer au mieux les pistes cyclables à travers le pays. Bon, parfois la piste nous mène sur l’autoroute. Mais essayez, et vous verrez finalement que c’est plus agréable que les petites routes de campagne où les pick-up tapent dans votre rétroviseur. Ici les vélos ont de grosses réductions pour entrer dans les parcs nationaux et les campings sont obligés de vous accepter à tarif préférentiel même s’ils n’ont plus de place. Autant de petites choses qui rendent ce voyage à vélo agréable malgré tous les autres aspects un peu controversés.
Cap à l’ouest : De Chicago aux Rocheuses
Un fois la frontière passée nous mettons cap sur Chicago qui nous donne le vertige entre ses tours et son effervescence. Une ambiance qui contraste avec l’Iowa qui nous offre ensuite des champs de maïs à perte de vue.
Puis nous nous dirigeons vers le nord. Je veux passer dans les états du Dakota pour tenter de rencontrer des amérindiens. Et malgré la tristesse qui règne dans les réserves, nous ferons une belle rencontre avec un groupe qui nous racontent un peu leurs histoires et leurs combats. Une chose est sûre, leur place n’est pas encore trouvée dans le monde d’aujourd’hui et leur lourd passé est toujours aussi douloureux.
Le Montana est pour nous synonyme de renouveau. Après plusieurs milliers de kilomètres d’attente, nous arrivons aux Rocheuses. Elles apparaissent d’abord comme des dessins trop clairs que l’on devine à l’horizon. Puis les lignes se durcissent et les pentes abruptes se dessinent clairement. La route se corse, se penche vers le haut. Moi qui n’ai jamais forcé je m’étonne de la facilité à monter, tout comme de ma lenteur inégalable. Je monte doucement c’est vrai, mais sûrement. Du haut de mes 5 km/h j’avale le col du Bear Tooth pass en 2 jours. Ce n’est pas un exploit, mais c’est mon exploit personnel. Sur le col le moral n’est pas là. Mais au moment où j’allais lâcher prise, un automobiliste nous informe d’un troupeau de mountain goats (chèvres des montagnes rocheuses). De quoi me mettre du baume au coeur !
Au sommet une averse de grêle ne nous empêche pas de savourer la vue et la descente vertigineuse récompense tous les coups de pédale de ces derniers mois. Puis arrive le cadeau ultime, l’un des joyaux des États-Unis : Le parc national de Yellowstone. Le parc est une immense forêt parsemée de trésors naturels. Il y a déjà la rivière de Yellowstone qui nous séduit. Puis les bisons qui s’installent nonchalamment au milieu de la route et se laissent photographier par des hordes de touristes en furie – oui c’est sûr, j’en faisais parti. Un peu plus loin c’est un ours que nous voyons. La présence d’un ours peut créer de gros embouteillages à cause de tous les touristes qui s’arrêtent faire des photo ; ce que les américains appellent communément les Bear jam. Les rangers sont alors obligés d’intervenir pour disperser la foule et faire reculer les curieux qui s’approchent de plus en plus des animaux sauvages un peu trop habitués à l’homme. En effet, chaque année le parc accueille plus de 3 millions de visiteurs qui viennent profiter de cette nature sauvage apprivoisée. Tel Disneyland retourné à l’état sauvage, ils roulent sans relâche tout au long du grand huit dessiné par la route touristique. Certains ne paraissent même pas descendre de leur voiture, ils ne rapporteront chez eux que le souvenir d’une vitre avec un paysage derrière : un geyser, un bison, … Toutefois le développement touristique possède aussi ses bons côtés. Nous découvrons avec joie les campings Hiker & Bikers qui se doivent d’accueillir tous les cyclistes. Du coup nous sommes chaque soir regroupés avec les autres voyageurs de la nuit ce qui nous permet de faire de belles rencontres et de partager de délicieux moments tout comme des informations capitales. Ainsi nous rencontrons une bande de 3 québécois fous qui doivent parcourir 150km par jour en moyenne. Dans leur groupe il y a Yan. Je les envie d’aller vite, il m’envie de pouvoir prendre mon temps. À force de discussion nous nous rendons compte que, malgré nos routes et allures différentes, nous arriverons à San Francisco en même temps. Nous promettons de rester en contact et avant de reprendre chacun sa route.
Les gorges de la Columbia River
Nous redescendons les Rocheuses via l’Idaho et passons les gorges de la Columbia River. J’entre dans ce tronçon de route comme j’entrerai en enfer. Moi qui crains (craignais) la chaleur, me voici pédalant dans une fournaise, un désert brûlé.
Les Gorges de la Columbia river on une belle presse, mais elles ne me séduisent pas. En pédalant je regrette notre choix de route. J’aurai aimé aller vers le sud après Yellowstone. Mais j’avais peur du désert…
Au détour d’un virage nous apercevons finalement un arbre et un peu de verdure. Un changement radical pour nos yeux habitués à la couleur jaune de l’herbe brûlée et du soleil intense. En quelques kilomètres à peine le paysage change entièrement. En fin de journée nous plantons notre tente dans une forêt de pin froide et très humide. Un changement radical qui surprend autant nos corps que nos esprits. Nous ignorions alors que nous venions d’entrer dans le brouillard de la côte Pacifique.
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