En 2014, Aurélien Chaméon s’est livré à un exercice original et a réalisé un tour de France à vélo. Avec lui pas de compétition de performance, mais le défi de redécouvrir le pays et ses habitants en passant par tous les départements du pays. Rejoignant la communauté des cyclonomades, il partage avec nous son aventure à vélo.
1 an à vélo en France. Pourquoi ?
L’objectif de mon Tour de France à vélo était de passer dans chacun des départements, 96 au total – Corse incluse. Bien plus que l’intérêt sportif, l’objectif était de sentir battre le pouls de la France, à travers ses habitants. Dans le cadre de cette aventure humaine, j’ai rencontré les personnes des différents terroirs, et je me suis intéressé aux zones traversées sous l’aspect historique, social, architectural, et culinaire essentiellement. Passer dans chaque département m’a empêché de ce fait d’effectuer une sélection au préalable en fonction de mes goûts, et c’est ce qui m’a permis d’avoir de bien belles surprises. Je suis parti le 7 juillet 2014 pour « boucler la boucle » le 7 juillet 2015, après 270 étapes et près de 19 000 kilomètres.
Quels seraient tes (meilleurs) moments que tu aimerais partager avec nous ?
C’est très difficile de sélectionner des bons moments, car sur une aventure de une année, il m’en vient en tête des centaines! Je peux dire que j’ai fait des rencontres remarquables, et inoubliables. Je me souviens par exemple d’une dame qui m’avait hébergé lorsque j’étais en Haute-Marne. Elle vivait toute seule depuis très longtemps, et considérait ses deux chiens comme des êtres humains à part entière. Donc le soir, à table, ils mangeaient avec nous, serviette autour du cou, et avaient droit à des tartines de confiture, de fromage, et à des steaks hachés. Elle leur mettait la radio, et leur expliquait les actualités!
Une autre rencontre marquante: un foyer – orphelinat, qui m’avait accueilli, en plein coeur de l’Orne. Des enfants du plus jeune âge y étaient placés (moins de 2 ans) jusqu’à 18 – 20 ans. Les questions posées par les enfants peu après mon arrivée avaient de quoi étonner: si j’étais un cycliste professionnel? Combien de fois j’avais gagné le Tour de France? Est-ce que je prenais l’autoroute? Avec quoi je me dopais? Est ce que j’étais monté à vélo au sommet du Mont Blanc? Est-ce que j’avais rencontré des dames blanches et des bêtes sauvages? Où j’allais recevoir mes cadeaux de noël? Des questions tordantes, posées avec leur spontanéité d’enfants.
Allez, encore un troisième bon moment: à Zonza, en hiver, dans la Corse des montagnes. J’ai rencontré le seul « gros pépin » technique de mon aventure, et je n’arrivais pas à réparer. C’était le roulement de ma roue de remorque qui avait cédé, entraînant des complications: jante fissurée etc etc, je ne pouvais plus rouler. Un directeur d’hôtel m’a alors conduit dans son atelier, et a tout simplement créé de ses propres mains de nouvelles pièces, avec une rigueur professionnelle, et beaucoup de soudures. Il a même créé certains outils avec sa forge! J’ai pu poursuivre ma route!
Quelles auront été tes plus belles découvertes de ce pays que tu connaissais avant même de partir ?
Déjà, je ne peux pas dire qu’au préalable je connaissais bien le pays! Hormis la Bretagne, la Région parisienne, et les régions Rhône-Alpes et PACA, j’avais vraiment peu voyagé! Je ne connaissais absolument pas les quarts Nord-Est et Sud Ouest du pays!
Alors, mes plus belles découvertes: 4 coups de coeur, sur le plan humain, paysager, architectural et gastronomique: l’Alsace, la Bretagne, le Pays Basque, et la Corse. Des régions vraies, aux identités affirmées, mais tout en gardant une vraie chaleur humaine, une culture de l’accueil.
Dans le désordre, je retiens certains sites vraiment marquants: les Monts d’Arrée, en Bretagne, les châteaux de la Loire en plein mois de décembre: absolument personne pour les visiter! Idem pour la Corse en février, j’avais l’impression d’être seul dans cette région, entouré exclusivement de Corses! Quoi de mieux pour découvrir un terroir et sa culture, ses habitants.
Est-ce que ton regard sur ton pays et ses habitants a changé ?
Avant mon départ, j’avais souvent droit à des clichés, dans le registre « oh, va là bas, ils sont adorables… et évite ce secteur, ils sont fermés, froids, c’est même pas la peine d’essayer… » Je n’ai jamais tenu compte des stéréotypes collant à certaines régions, souvent très réducteurs. Et au final: j’ai seulement eu trois mauvais accueils, sur 365 jours c’est dérisoire !
Généralement, lorsque l’on vous voit arriver à vélo, avec une remorque, et que vous vous intéressez aux gens et à leurs terroirs, ils vous accostent très vite, et certains vous ouvrent facilement leurs portes! Sans généraliser, les meilleurs accueils viennent des personnes âgées de 50 à 80 ans! Elles ont une vraie envie de partager, d’écouter. Les 80 ans et plus me considéraient comme un « vecteur de mémoire » comme je m’intéressais à leur vécu, et au patrimoine de leurs communes, et régions! Donc c’était parti pour de belles soirées de confidences!
Avec l’expérience acquise, quels sont les conseils de cyclotouriste que tu aimerais partager ?
Alors, quatre conseils principaux!
Le premier: ne roulez pas du matin au soir! Prenez du temps pour rouler, pour rencontrer les gens, vous poser, contempler, visiter! On peut tout faire dans une journée! Ainsi, je partais en général vers 8 heures, pour arriver vers 14 heures, cela me laissait tout l’après-midi pour visiter. Un plaisir simple: me poser en terrasse de café, et laisser les gens venir discuter, c’est incroyable ce que l’on peut apprendre!
Le second: prenez du matériel simple et solide. Rien ne sert d’investir de très grosses sommes. Je me souviens d’un cyclotouriste avec vélo en carbone, dont le cadre a lâché. Impossible à réparer, donc cela signifiait la fin de son aventure. Idem pour tout ce qui est électronique: GPS, appareils tactile …
Un autre conseil qui s’applique bien lorsque l’on voyage seul: aller plutôt en gîte d’étape, gîte communal, auberge de jeunesse. C’est certes plus onéreux que des nuits dans des tentes, mais c’est tellement plus humain. J’étais entouré tous les soirs, et en plus, quand je souhaitais partir en visite, tout le matériel était en sécurité. Il faut dire que mon vélo et sa remorque, c’était ma maison et bien plus, pendant un an!
Un autre conseil: souvent j’entendais dire, dans la bouche de cyclotouristes de mon âge, que « visiter la France était ringard ». Ils voulaient faire des tours d’Europe, du monde… Alors là, je les arrêtais tout de suite! J’ai été émerveillé chaque jour pendant une année, nous avons la chance d’avoir un pays plein de richesse et de diversité, c’est dommage de ne pas en profiter! Découvrir l’Europe, le monde, c’est extrêmement intéressant, mais la base, n’est ce pas de découvrir son pays et ses différentes cultures?
Quels sont les accessoires indispensables pour toi en voyage ?
Je n’avais pas de GPS, mais un bon vieil atlas Michelin. Je le griffonnais au fur et à mesure du voyage, notais des numéros, des adresses, des sites que les personnes croisées me conseillaient. Il était capital pour mon avancée!
Mes carnets étaient des accessoires très importants: je notais au jour le jour mes impressions, sensations, découvertes. Ainsi, il a été aisé pour moi d’écrire mon livre, le Tour des départements de France à vélo, sorti en octobre 2015 aux Editions Ouest France.
Et bien évidemment, la base: l’ensemble vélo – remorque! Un vélo alu simple et très robuste, j’assurais intégralement son entretien, et une remorque alu également, portant mes 25 kilos d’affaires. Du simple, pas très onéreux, mais très fiable et facile à réparer et entretenir!
Textes et photos : Aurélien Chaméon
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